Sources:
Treize années à la cour de Russie: Le tragique destin de Nicolas II et de sa famille, pages 112 to 119, by Pierre Gilliard, 1921
Thirteen Years at the Russian Court, pages 136 to 143, by Pierre Gilliard, translated by F. Appelby Holt, 1921
The account:
La campagne souffrait des incessantes levées de troupes et des réquisitions; l'agriculture manquait de bras et de chevaux. Dans les villes la cherté de la vie augmentait avec le désarroi des chemins de fer et l'afflux des réfugiés. Les propos les plus pessimistes circulaient de bouche en bouche, on parlait de sabotage, de trahison... L'opinion russe si versatile, si portée aux excès dans la joie comme dans la tristesse, s'abandonnait aux plus sombres prévisions.
C'est au moment où la Russie traversait cette crise aiguë que Nicolas II résolut de prendre le commandement en chef de l'armée.
L'impératrice poussait depuis des mois l'empereur à cette détermination, mais il avait toujours résisté à ses instances, car il lui répugnait de relever le grand-duc Nicolas du commandement qu'il lui avait donné. Lorsque la guerre avait éclaté, son premier mouvement avait été de se mettre à la tête de l'armée, mais, cédant aux prières de ses ministres, il avait renoncé à son désir le plus cher. Il l'avait toujours regretté; et maintenant que les Allemands, après avoir conquis toute la Pologne, s'avançaient sur le soi russe, il lui semblait criminel de rester à l'arrière et de ne pas prendre une part plus active à la défense de son pays.
L'empereur était rentré le 11 juillet [1915] du G. Q. G. et il avait passé deux mois à Tsarskoïé-Sélo avant d'arriver à cette décision. Je transcris ici une conversation que j'eus avec lui le 16 juillet, parce qu'elle montre clairement quels étaient alors déjà les sentiments qui l'animaient. Il nous avait rejoints ce jour-là, Alexis Nicolaïévitch et moi, dans le parc, il venait de raconter à l'enfant quelques impressions de son récent voyage à l'armée et, se tournant vers moi, il ajouta:
— Vous ne sauriez vous figurer combien le séjour à l'arrière me pèse. Il semble que tout ici, jusqu'à l'air qu'on respire, détende les énergies et amollisse les caractères. Les bruits les plus pessimistes, les nouvelles les plus invraisemblables trouvent crédit et sont colportés dans tous les milieux. Ici on ne s'occupe que d'intrigues et de cabales, on ne vit que d'intérêts égoïstes et mesquins; là-bas on se bat et l'on meurt pour la patrie. Au front, un sentiment domine tout: la volonté de vaincre; le reste est oublié, et malgré les pertes, malgré les revers, on garde confiance... Tout homme capable de porter les armes devrait être à l'armée. Pour moi je ne puis attendre le moment où j'aurai rejoint mes troupes!
L'impératrice sut exploiter ce désir ardent; elle s'appliqua à vaincre les scrupules que certaines considérations pouvaient, d'autre part, inspirer. Elle souhaitait l'éloignement du grand-duc Nicolas qu'elle accusait de travailler sous main à ruiner le prestige de l'empereur et de chercher à provoquer à son profit une révolution de palais. En outre, sur la foi de renseignements qui lui étaient fournis par Mme Wyroubova, elle était persuadée que le G. Q. G. était le centre d'un complot qui avait pour but de s'emparer d'elle en l'absence de l'empereur, et de la reléguer dans un couvent. Le tsar avait pleine confiance dans la loyauté du grand-duc Nicolas, il le jugeait incapable de tout acte de félonie; mais il était porté à admettre sa complicité dans la cabale dirigée contre l'impératrice. Il ne céda toutefois que lorsque le sentiment impérieux qui le poussait à se mettre à la tête de l'armée fut devenu pour sa conscience une obligation. En s'engageant personnellement dans la lutte, il tint à montrer que la guerre serait conduite jusqu'au bout, et à affirmer sa foi inébranlable en la victoire finale. Il estima que c'était son devoir, dans cette heure tragique, de payer de sa personne et d'assumer, lui chef de l'État, toutes les responsabilités. Il voulut aussi, par sa présence au milieu d'elles, rendre confiance aux troupes dont le moral était lasses de se battre contre un ennemi dont la force principale consistait dans la supériorité de son armement.
Malgré les derniers reculs, le prestige militaire du grand-duc Nicolas était considérable en Russie. Pendant toute cette première année de guerre, il avait fait preuve de fermeté et de décision. Le fait de lui retirer son commandement au moment d'une défaite paraissait indiquer qu'on le tenait pour responsable et devait être interprété comme une sanction aussi injuste pour ses mérites qu'offensante pour son honneur. L'empereur s'en rendait compte et ne s'y était décidé qu'à contre-cœur. Il avait eu tout d'abord l'intention de garder le grand-duc auprès de lui au G. Q. C., mais cela aurait créé une situation délicate pour l'ex-généralissime; il prit le parti de le nommer lieutenant-général du Caucase et commandant en chef de l'armée opérant contre la Turque.
L'empereur fit part à ses ministres de sa résolution de prendre le commandement en chef de l'armée dans un Conseil qui eut lieu à Tsarskoïé-Sélo quelques jours avant son départ pour le G. Q. C. Cette nouvelle provoqua une véritable consternation chez la plupart des assistants, et ils s'efforcèrent de persuader l'empereur de renoncer à son projet. Ils lui montrèrent le grave inconvénient qu'il y aurait pour la bonne marche des affaires à ce qu'il fût, lui chef de l'État, presque constamment au G. Q. C., à plus de huit cents kilomètres du siège du gouvernement. Ils alléguèrent ses nombreuses occupations et lui demandèrent de ne se pas se charger de nouvelles et écrasantes responsabilités. Ils le supplièrent enfin de ne pas se mettre à la tête des troupes dans un moment aussi critique; c'était risquer de s'exposer, en cas d'insuccès, à des attaques qui ruineraient son prestige et son autorité. Mais l'empereur resta inébranlable. Plusieurs personnes de son entourage firent auprès de lui de nouvelles tentatives qui échouèrent également, et le 4 septembre au soir il partit pour Mohilef où se trouvait alors le G. Q. C. Le lendemain il signait le prikase par lequel il annonçait aux troupes qu'il assumait le commandement en chef et il ajoutait, au bas, de sa propre main: «... avec une foi absolue en la bonté de Dieu et une confiance inaltérable en la victoire finale, nous accomplirons notre devoir sacré en défendant jusqu'au bout notre Patrie et nous ne laisserons pas outrager le sol de la Russie.»
C'était réitérer le serment qu'il avait fait au début de la guerre et engager sa couronne dans la mêlée.
En France et en Angleterre, cette nouvelle causa une surprise qui n'était pas exempte d'une certaine appréhension, mais on vit dans cet acte un gage qui liait irrévocablement l'empire russe, en la personne de son souverain, au sort de l'Entente, et cela au moment où une série de défaites auraient pu faire craindre l'apparition de tendances séparatistes. Tous les grands journaux des pays alliés soulignèrent l'importance de cette décision. Elle allait avoir, espérait-on, une répercussion considérable sur le moral de l'armée russe et contribuer à l'obtention de la victoire finale. En Russie, toute la presse entonna un chant de triomphe, mais, en réalité, les avis sur l'opportunité de ce changement de commandement furent au début assez partagés. A l'armée, la présence de l'empereur contribua, nous le verrons, à relever le courage des soldats et donna aux troupes un nouvel élan.
L'histoire établira un jour quelles furent les conséquences politiques et militaires de cette mesure qui, de la part de l'empereur, fut un acte de courage et de foi.
Comme je l'avais craint, hélas! l'indifférence qu'on avait paru témoigner à Raspoutine durant l'hiver précédent n'avait été que momentanée et fut suivie, au moment des désastres de mai, d'une recrudescence de son influence qui ne fit qu'augmenter par la suite. Ce revirement s'explique aisément. Au début de la guerre, l'empereur et l'impératrice, tout pénétrés de la grandeur de leur devoir, avaient vécu des heures exaltées par l'amour qu'ils portaient à leur peuple, et qu'ils sentaient, en retour, monter de leur peuple jusqu'à eux. Cette fervente communion les avait remplis d'espoir; ils avaient eu le sentiment d'être vraiment le centre de ce grand mouvement national qui soulevait la Russie tout entière. Les événements militaires des mois qui suivirent n'avaient pas ébranlé leur courage; il[s] avaient gardé pleine et intacte leur foi en cette offensive du printemps qui devait amener le succès définitif des armes russes.
Aussi, lorsque se produisit la grande catastrophe, connurent-ils des jours d'indicible angoisse. Et l'impératrice, dans sa souffrance, devait être irrésistiblement poussée à chercher un appui moral auprès de celui en qui elle voyait alors déjà, non seulement le sauveur de son fils, mais aussi le représentant du peuple, envoyé par Dieu pour sauver la Russie et son tsar.
Ce n'est pas, comme on l'a dit, par ambition personnelle ou par soif de pouvoir, que l'impératrice avait commencé à s'occuper de politique. Le mobile qui l'y poussa était d'ordre tout sentimental. Elle adorait son mari comme elle idolâtrait ses enfants, et son besoin de se dévouer à ceux qu'elle aimait était infini. Son seul désir était d'être utile à l'empereur dans sa lourde tâche et de l'aider de ses conseils.
Convaincue que l'autocratie était le seul régime qui convînt à la Russie, l'impératrice estimait que de larges concessions libérales étaient prématurées. A son avis, seul un tsar en la personne duquel le pouvoir resterait centralisé était capable de galvaniser la masse inculte du peuple russe. Elle était persuadée que pour le moujik l'empereur était la représentation symbolique de l'unité, de la grandeur et de la gloire de la Russie, le chef de l'empire et l'oint du Seigneur. Toucher à ces prérogatives, c'était attenter à la foi du paysan russe, c'était risquer de précipiter le pays dans les pires catastrophes. Le tsar ne devait pas seulement régner, il devait gouverner l'État d'une main ferme et puissante.
L'impératrice apporta au nouveau devoir qu'elle s'imposait le même dévouement, la même vaillance, mais aussi, hélas! le même aveuglement qu'elle avait manifestés dans sa lutte pour la vie de son enfant. Elle fut conséquente dans son aberration. Persuadée, comme je l'ai dit plus haut, que la dynastie ne pouvait trouver d'appui que dans le peuple et que Raspoutine était l'élu de Dieu, — n'avait-elle pas éprouvé l'efficacité de ses prières pendant la maladie de son fils? — elle crut, dans sa confiance absolue, que cet humble paysan devait apporter le secours de ses lumières surnaturelles à celui qui tenait entre ses mains les destinées de l'empire des tsars. Fin et ruse comme il l'était, Raspoutine ne s'aventura qu'avec une extrême prudence à donner des conseils politiques. Il eut toujours soin de se faire très exactement renseigner sur tout ce qui se passait à la cour et sur les sentiments intimes des souverains. Ses paroles prophétiques ne venaient donc, le plus souvent, que confirmer les vœux secrets de l'impératrice. De fait, sans s'en douter, c'était elle qui inspirait «l'inspiré», mais ses propres désirs en passant par Raspoutine prenaient à ses yeux la force et l'autorité d'une révélation.
Avant la guerre, l'influence politique de l'impératrice ne s'exerça que de façon très intermittente; son action se borna surtout à provoquer l'éloignement de ceux qui s'étaient déclarés contre le staretz. Dans les premiers mois qui suivirent l'ouverture des hostilités, la situation ne se modifia guère, mais à partir des grands revers du printemps 1915, et surtout après que l'empereur eut assumé le commandement en chef des armées, l'impératrice, pour venir en aide à son époux qu'elle sentait toujours plus accablé sous le poids d'une responsabilité croissante, prit une part toujours plus grande aux affaires de l'État. Épuisée, comme elle l'était, elle n'aspirait qu'au repos; mais elle sacrifia sa quiétude personnelle à ce qu'elle crut être une obligation sacrée.
Très réservée, et cependant très spontanée, épouse et mère avant tout, l'impératrice ne se trouvait heureuse qu'au milieu des siens. Instruite et artiste, elle aimait la lecture et les arts. Elle se complaisait à la méditation et s'absorbait souvent dans une vie intérieure très intense dont elle ne sortait que lorsque le danger apparaissait, fonçant alors sur l'obstacle avec une ardeur passionnée. Elle était douée des plus belles qualités morales, et fut toujours guidée par les plus nobles inspirations. Mais la souffrance l'avait brisée, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même et il lui arrivait souvent d'avoir des périodes d'extase mystique qui lui faisaient perdre la notice exacte des choses et des gens. Sa foi en la sainteté de Raspoutine le prouve surabondamment.
Et c'est ainsi que, voulant sauver son mari et l'enfant qu'elle aimait plus que tout au monde, elle forgea de ses propres mains l'instrument de leur perte.
English translation (by Holt):
The country was suffering from the incessant withdrawals of men and from requisition. Agriculture was short of labour and horses. In the towns the cost of living was rising with the disorganisation of the railways and the influx of refugees. The most pessimistic news passed from mouth to mouth. There was talk of sabotage, treason, etc. Russian public opinion, so changeable and prone to exaggeration whether in joy or sorrow, indulged in the most gloomy forebodings.
It was just when Russia was passing through this acute crisis that Nicholas II. decided to take the command of his armies in person.
For several months the Czarina had been urging the Czar to take this step, but he had stood out against her suggestion as he did not like the idea of relieving the Grand-Duke Nicholas of the post he had given him. When the war broke out his first impulse had been to put himself at the head of his army, but, yielding to the representations of his Ministers, he had abandoned an idea which was very close to his heart. He had always regretted it, and now that the Germans had conquered all Poland and were advancing on Russian soil, he considered it nothing less than criminal to remain away from the front and not take a more active part in the defence of his country.
The Czar had returned from G. H. Q. on July 11th [1915], and spent two months at Tsarskoïe-Selo before making up his mind to this new step. I will relate a conversation I had with him on July 16th, as it shows quite clearly what were the ideas that inspired him at that time. On that day he had joined Alexis Nicolaïevitch and myself in the park, and had just been telling his son something about his recent visit to the army. Turning to me, he added:
"You have no idea how depressing it is to be away from the front. It seems as if everything here saps energy and enfeebles resolution. The most pessimistic rumours and the most ridiculous stories are accepted and get about everywhere. Folk here care nothing except for intrigues and cabals, and regard low personal interests only. Out at the front, men fight and die for their country. At the front there is only one thought — the determination to conquer. All else is forgotten, and, in spite of our losses and our reverses, everyone remains confident. Any man fit to bear arms should be in the army. Speaking for myself, I can never be in too much of a hurry to be with my troops."
The Czarina was able to take advantage of this great ambition. She set herself to overcome the scruples which considerations of another character inspired. She desired the removal of the Grand-Duke Nicholas, whom she accused of secretly working for the ruin of the Czar's reputation and prestige and for a palace revolution which would further his own ends. On the strength of certain information she had received from Madame Wyroubova, she was also persuaded that G. H. Q. was the centre of a plot, the object of which was to seize her during the absence of her husband and confine her in a convent.
The Czar, on the other hand, had full confidence in the loyalty of the Grand-Duke Nicholas. He considered him incapable of any criminal action, but he was compelled to admit his complicity in the intrigue against the Czarina. Yet he did not give way until the imperious instinct urging him to put himself at the head of his army had become an obligation of conscience. By intervening personally in the struggle, he hoped to show the world that the war would be fought out to the bitter end and prove his own unshakable faith in ultimate victory. In this tragic hour he thought it was his duty to stake his own person, and as head of the state to assume the full burden of responsibility. By his presence among the troops he wished to restore their confidence, for their morale had been shaken by the long series of reverses, and they were tired of fighting against an enemy whose strength consisted principally in the superiority of his armament.
In spite of the recent retreats, the prestige of the Grand-Duke Nicholas was still considerable in Russia. During this [sic] first twelve months of the war, he had given proof of resolution and an iron will. The fact that he was deprived of his command in times of defeat indicated that he was held responsible, and was bound to be interpreted as a punishment, as unjust on the merits as insulting to his honour. The Czar fully realised all this, and only decided as he did much against his will. His first idea had been to keep the Grand-Duke with him at G. H. Q., but that would have made the position of the ex-Generalissimo somewhat delicate. The Czar decided to appoint him Lieutenant-General of the Caucasus and Commander-in-Chief of the army operating against the Turks.
The Czar communicated his decision to take over the Supreme Command to his Ministers at a council which took place at Tsarskoïe-Selo a few days before his departure for G. H. Q. The news threw most of those present into utter consternation, and they did their best to dissuade him from his project. They pointed to the grave difficulties in the way of public business if the head of the state was to spend practically all his time at G. H. Q., more than five hundred miles from the seat of government. They referred to his innumerable duties and asked him not to take new and crushing responsibilities upon himself. In the last resort they begged him not to place himself at the head of his troops at a moment so critical. In case of failure he was running a risk of exposing himself to attacks which would undermine his prestige and authority.
Yet the Czar was not to be moved. Several members of his immediate entourage made several further attempts to convince him, but these failed also, and on the evening of September 4th he left for Mohileff, where G. H. Q. was established at that time. The next day he signed the Prikaze, in which he announced to the troops that he was taking command in person, and at the foot he added in his own hand:
"With unshakable faith in the goodness of God and firm confidence in final victory, we shall accomplish our sacred duty in defending our Fatherland to the end, and we shall never let the soil of Russia be outraged."
He was repeating the oath he had taken at the outset of the war and casting his crown into the arena.
In France and England this announcement came as a surprise which was not without a certain element of apprehension, but this action was regarded as a pledge which irrevocably associated the Russian Empire, in the person of its Czar, with the fortunes of the Entente, and this at a moment when a series of defeats would have been grounds for fearing separatist tendencies. All the great newspapers of the Allied countries emphasised the importance of this decision. It was hoped that it would have a considerable effect on the morale of the Russian army and contribute to further the cause of final victory. In Russia the whole Press raised a shout of triumph, but in sober reality, opinion about the wisdom of changing the command was sharply divided at first. In the army itself we shall see that the presence of the Czar helped to raise the spirits and courage of the men and gave the campaign a new impetus.
History will some day reveal the political and military consequences of this step, which was certainly an act of courage and faith on the part of the Czar himself.
As I had feared, the apparent indifference with which Rasputin had been treated during the winter had only been temporary, and at the time of the disasters in May, there was a revival of his influence, which grew steadily stronger. The change is easily explained. At the beginning of the war, the Czar and Czarina were utterly obsessed by the greatness of their task, and had passed through hours of exaltation in the knowledge of the love they bore their people, a love they felt was reciprocated. That fervent communion had filled them with hope. They believed that they were really the centre of that great national movement which swept over the whole of Russia. The military events of the following months had not shaken their courage. They had maintained their ardent faith in that spring offensive which was to bring about the final success of the Russian armies.
When the great catastrophe followed, they passed through a time of unspeakable anguish. In her sorrow the Czarina was bound to feel impelled to seek moral support from him whom she already regarded not only as the saviour of her son, but as the representative of the people, sent by God to save Russia and her husband also.
It is not true that personal ambition or a thirst for power induced the Czarina to intervene in political affairs. Her motive was purely sentimental. She worshipped her husband as she worshipped her children, and there was no limit to her devotion for those she loved. Her only desire was to be useful to the Czar in his heavy task and to help him with her counsel.
Convinced that autocracy was the only form of government suited to the needs of Russia, the Czarina believed that any great concessions to liberal demands were premature. In her view the uneducated mass of the Russian people could be galvanised into action only by a Czar in whose person all power was centralised. She was certain that to the moujik the Czar was the symbol of the unity, greatness, and glory of Russia, the head of the state and the Lord's Anointed. To encroach on his prerogative was to undermine the faith of the Russian peasant and to risk precipitating the worst disasters for the country. The Czar must not merely rule: he must govern the state with a firm and mighty hand.
To the new task the Czarina brought the same devotion, courage, and, alas! blindness she had shown in her fight for the life of her son. She was at any rate logical in her errors. Persuaded, as she was, that the only support for the dynasty was the nation, and that Rasputin was God's elect (had she not witnessed the efficacy of his prayers during her son's illness?), she was absolutely convinced that this lowly peasant could use his supernatural powers to help him who held in his hands the fate of the empire of the Czars.
Cunning and astute as he was, Rasputin never advised in political matters except with the most extreme caution. He always took the greatest care to be very well informed as to what was going on at Court and as to the private feelings of the Czar and his wife. As a rule, therefore, his prophecies only confirmed the secret wishes of the Czarina. In fact, it was almost impossible to doubt that it was she who inspired the "inspired", but as her desires were interpreted by Rasputin, they seemed in her eyes to have the sanction and authority of a revelation.
Before the war the influence of the Czarina in political affairs had been but intermittent. It was usually confined to procuring the dismissal of anyone who declared his hostility to the staretz. In the first months of the war there had been no change in that respect, but after the great reverses in the spring of 1915, and more particularly after the Czar had assumed command of the army, the Czarina played an ever-increasing part in affairs of state because she wished to help her husband, who was overwhelmed with the burden of his growing responsibilities. She was worn out, and desired nothing more than peace and rest, but she willingly sacrificed her personal comfort to what she believed was a sacred duty.
Very reserved and yet very impulsive, the Czarina, first and foremost the wife and mother, was never happy except in the bosom of her family. She was artistic and well-educated, and liked reading and the arts. She was fond of meditation, and often became wholly absorbed in her own inward thoughts and feelings, an absorption from which she would only emerge when danger threatened. She would throw herself at the obstacle with all the ardour of a passionate nature. She was endowed with the finest moral qualities, and was always inspired by the highest ideals. But her sorrows had broken her. She was but the shadow of her former self, and she often had periods of mystic ecstasy in which she lost all sense of reality. Her faith in Rasputin proves it beyond a doubt.
It was thus that in her desire to save her husband and son, whom she loved more than life itself, she forged with her own hands the instrument of their undoing.
Above: Nicholas and Alexandra. Photo courtesy of Ilya Chishko at lastromanovs on VK.
Above: Pierre Gilliard.
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